Cucugnan - son curé, sa statue de la Vierge

Vous connaissez peut être l’histoire du curé de Cucugnan rendue célèbre par Alphonse Daudet qui nous la raconte dans son livre « Les lettres de mon moulin », un de ses succès en librairie tout comme son « Tartarin de Tarascon »

Si vous ne connaissez pas ce récit du « curé de Cucugnan » je vous conseille de le lire ou mieux encore de l’écouter en utilisant You Tube en faisant une recherche : Fernandel le curé de Cucugnan ; c’est un bonheur d’écouter Fernandel avec sa voix chaleureuse et son accent qui sent bon la garrigue. Cette histoire, Alphonse Daudet l’a entendue contée car ce récit faisait déjà partie du folklore occitan mais son texte, si joliment écrit, transporte le lecteur comme si il était lui-même à l’église pour écouter le sermon de l’abbé Martin.

Lorsque je travaillais comme guide touristique et que le programme nous conduisait à Cucugnan les clients des différents groupes étaient étonnés car ils pensaient que ce nom de village était né de l’imagination d’Alphonse Daudet ou que ce village se trouvait en Provence … Et bien NON, ce village se trouve dans le département de l’Aude blotti dans une de ces vallées des Corbières dominée par les châteaux de Quéribus et Peyrepertuse.

Mais si vous connaissiez « le curé de Cucugnan », il y a fort à parier que vous ne connaissez pas cette statue de la Vierge qui est en bois polychrome doré et probablement sculptée au 18^ème siècle

Travaillant donc comme guide touristique et habitant à l’époque à coté de Foix nous étions partis en famille faire nos courses au supermarché voisin. A l’entrée, une personne proposait aux personnes entrant dans le magasin de déguster un verre de « Blanquette de Limoux » comme la Blanquette est un vin mousseux et qu’il était 10h00 du matin, je décline poliment l’invitation en expliquant que par mon ma profession  je passais régulièrement  avec mes clients par Limoux où nous faisions une visite des caves de Blanquette qui se concluait à chaque fois par une dégustation. Comme cette personne était un vigneron de cette coopérative, la conversation s’est vite engagée et comme nous parlions des beautés de la région je lui ai dit que mon village préféré des Corbières était celui de Cucugnan car lorsqu’on l’aborde en venant de Maury et en passant par le col de Quéribus on a de magnifiques vues sur ce village qui ressemble à un décor de crèche de Noël avec son moulin en haut du village et ses maisons qui descendes blotties les une contre les autres.

A ce moment le vigneron s’exclame que, justement, il était lui même natif de Cucugnan et alors il me raconte que dans sa jeunesse il allait lui aussi apprendre son catéchisme après de monsieur le curé, comme tous les enfants du village.

Un jour, avec des camarades, il donne un coup de main au nettoyage de l’église et les enfants ont pour tâche de transporter des gravats en bas du village à un endroit réservé pour cela. Après avoir fait quelques allers et retours il est intrigué par un bout de bois qui dépasse du tas de gravats ainsi formé. Alors, malgré la forte pente qui rend la descente dangereuse, il regarde mieux ce qu’est en réalité ce bout de bois  et, fier de sa trouvaille, il rapporte au curé sa découverte dégagée du tas de gravats. Quelle n’est pas la surprise du curé lorsqu’il voit ce que lui rapporte ce jeune il constate que c’est une statue d’une vierge sur laquelle on devine encore quelques traces de peinture dorée. Pourquoi cette statue a été mise au rebut par un des prédécesseurs du prêtre de l’époque ? L’explication se trouve peut être dans la représentation même de cette Sainte Vierge car elle a été  représentée enceinte. Ce genre de représentation est rare et éveille la curiosité car cette manière de représenter la Vierge fut interdite par le Concile de Trente au 16^ème siècle, raison pour laquelle ce religieux a, c’est possible, jeté cette statue. Avant sa restauration telle que l’on peut l’admirer aujourd’hui dans la chapelle sud de l’église elle fut pudiquement habillée d’une magnifique robe blanche ornée de fines dentelles car une grande partie de l’œuvre était détérioré et abimée par des années d’oubli.

Voila, c’est de cette manière que cette statue est réapparue au grand jour anecdote que j’ai apprise de ce vigneron âgé alors d’une cinquantaine d’années.

Pour conclure je vous ai parlé en introduction que le village de Cucugnan se trouvait entre le château de Quéribus et celui de Peyrepertuse et le village était ainsi bien à l’abri vivant en paix sous le regard de ces « Fils de Carcassonne ». Ces anciens châteaux ayant servis de refuge aux Cathares se dressais à proximité de la frontière aragonaise, un voisin qu’il fallait surveiller.  Les constructions sont remaniées et on leur adjoint de nouvelles tours, courtines, murailles, chicanes et autres défenses bâties pour ralentir et éliminer toute menace éventuelle.

Une ligne de châteaux se dresse ainsi avec le château d’Aguilar, de Quéribus,  de Peyrepertuse, de Termes et de Puilaurens (les photos de ces châteaux sont affichées dans le même ordre). On les surnomme les cinq fils de Carcassonne qui se trouve en seconde ligne prête à venir de l’un d’eux en cas de besoin. Par la suite, ces châteaux garderont un rôle stratégique important lorsque le royaume d’Aragon sera rattaché à la couronne espagnole et que débutera en 1635 la guerre franco-espagnole entre louis XIII et Richelieu s’opposent à Philippe IV d’Espagne au cours de la « Guerre de Trente Ans » opposant protestants et catholiques d’une grande partie de l’Europe de l’époque.

C’est alors que les armées s’affrontent plutôt au Nord en Flandres principalement. Mais il fallait se prévenir d’une éventuelle invasion venant du Sud. Les frontières entre la France et L’Espagne d’alors n’étaient pas celles que nous connaissons aujourd’hui et qui passe par le Canigou mais elle se situai plus au nord avec la vallée du Fenouillèdes.

Il faudra attendre le mariage du futur Louis XIV avec l’infante Marie Thérèse d’Autriche et la signature du traité des Pyrénées pour que les anciennes rancœurs soient oubliées e les frontières redessinées..