Le Moulin Rouge - Rouge sang

On trouve de nombreux récits des horreurs faites pendant la « Croisade contre les Albigeois » Nous sommes à Prayols pas très loin de la ville de Foix – 5 kilomètres – pas loin non plus de la roche de Castelpenent (voir l’article : « la Croisade contre les Albigeois » du mois de juillet 2020).

Dans les départements de l’Aude, de l’Ariège et de Haute Garonne de nombreux méfaits commis dans ce temps là que des traditions orales sont rapportées en supplément de tous les récits historiques qui nous montre ces déchainements sanguinaires commis par les soudards jusqu’au plus degré de l’échelle de commandement, en l’occurrence Simon de Montfort et le légat du Pape Arnaud Amaury.

Pour ce dernier il ne faut pas oublier les paroles qui lui sont attribuées « Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens » prononcées au moment du sac de Béziers.

Je voudrais évoquer ici le souvenir de la « Dame de Lavaur » « Guiraude de Laurac » elle est la châtelaine de la petite cité de Lavaur. Après la conquête de toutes les terres des Trencavel (voir l’article « La  « Croisade contre les Albigeois » de juillet 2020) il se dirige vers Lavaur (petite cité à l’est de Toulouse) où son frère, Aymeri de Montréal qui  avoir prêté allégeance à Simon de Montfort, s’est révolté et renié son serment, s’est réfugié.

L’armée de Simon de Montfort n’est plus aussi importante qu’au début de ses conquêtes mais suffisante pour attaquer les remparts. Dame Guiraude demande le secours de son suzerain le comte de Toulouse qui lui envoie des renforts en la personne de Raymond de Ricaud, son sénéchal, avec quelques chevaliers et fantassins en attendant qu’il réunisse son armée. Simon de Montfort reçoit des renforts de croisés régionaux et de croisés allemands et frisons.

Malgré sa résistance sous les tirs de perrières et de mangonneaux une brèche est pratiquée dans le rempart et permet aux soldats de Simon de Montfort de pénétrer dans la ville le 3 mai 1211. Submergés par le nombre, Aymeri de Montréal, Raymond de Ricaud et leurs soldats sont capturés.

Comme la place est prise d’assaut, le sort des défenseurs et de la population est à la discrétion du vainqueur, en l’occurrence Simon de Montfort. De la garnison, il forme deux groupes : d’un côté Aymeri de Montréal et les chevaliers faydits, au nombre de quatre-vingts, de l’autre Raymond de Ricaud, les soldats envoyés de Toulouse et les soldats de Lavaur. Les premiers avaient dans le passé prêté allégeance à Simon de Montfort et avaient renié leur parole en rejoignant Lavaur et en la défendant contre Montfort. Pour ce dernier, c’est un acte de félonie qu’il ordonne de punir par la mort. 80 chevaliers sont pendus tandis que 300 à 400 prisonniers considérés comme cathares sont brûlés vifs.

Les défenseurs venus de Toulouse avaient seulement obéi à leur seigneur, le comte Raymond, et ne pouvaient être accusés de félonie, ils sont envoyés et incarcérés à Carcassonne comme prisonniers de guerre.

Le cas de Dame Guiraude est différent. Elle est vassale du comte de Toulouse, elle aurait dû subir le sort de

Raymond de Ricaud et de ses soldats, mais elle est considérée comme hérétique et elle est  livrée aux soldats pour leur « amusement ».

Guiraude, présentée comme l'incarnation même de l'hospitalité courtoise par La Chanson de la Croisade, subit ce supplice horrible, pour avoir résisté aux Croisés. Jouet des soldats ils abusent de son corps puis ils lui attachent les mains dans le dos et la jette dans un puits puis ils jettent des pierres dans ce puits afin de la lapider.

Le site supposé du supplice se trouve aujourd'hui à l'Esplanade du Plô (site exact de l'ancien castrum), où une stèle commémorative lui est dédiée, ainsi qu'aux victimes du siège de Lavaur. Sur la stèle figure la colombe cathare, allégorie de la paix.

Sur l’une des rivières qui baignent de leurs eaux claires le pays, il y avait autrefois un moulin que des siècles durant resta sans meule ni personne pour les actionner. On appelait ces ruines  « Le Moulin Rouge ».

Il se dressait tout blanc au milieu d’un bois de saules construit par un riche meunier qui venait de se marier à l’une des plus jolies filles des alentours.. Le moulin, nuit et jour, moulait le maïs, et le blé de la contrée. Il en fut ainsi pendant cinq ans, toujours tournant, toujours moulant.

Puis un jour on annonça qu’une armée s’avançait. Elle avait déjà tout pillé vers Lavelanet, vers Montferrier , et d’autres villages de la région.

Alors tous ceux qui pouvaient brandir soit une faux, soit une fourche se regroupèrent. Tous ainsi se dressèrent pour arrêter les maudits. Comme les autres le meunier s’arma et rejoignit ses compagnons, abandonnant à regret ce qui lui tenait le plus à cœur, non pas sa fortune mais le moulin et la belle meunière.

Et le moulin cessa de chanter sa chanson de travail, de labeur et de vie heureuse.

Les ariégeois comme des lions combattirent sans reculer les ennemis. Mais ceux-ci, armés comme il faut, en nombre suffisant et protégés par une armure de fer eurent tôt fait de décimer les audacieux qui se dressaient sur leur chemin. Ils étaient venus pour sauver leurs champs du pillage, leurs biens de brigandages, leurs femmes, leurs filles du déshonneur, leurs maisons des incendies ; ils ne réussirent guère à les ralentir

La nuit venue les hordes conquérantes allumèrent des torches et dansèrent en rond en buvant les vins pillés plus tôt dans les caves, ils dansèrent en entonnant leurs chants de guerre.

Les familles du voisinage, effrayées s’enfuirent dans les bois abandonnant la maison où l’époux ne reviendrait pas et les hauteurs furent vite emplies de plaintes, de pleurs et de malédictions. La meunière qui avait dans sa poitrine rondelette un cœur vaillant et dans son ventre un bien plus précieux encore, resta derrière les murs de son moulin.

Un matin, alors que le soleil déployait sa roue de lumière sur les coteaux, la troupe des vainqueurs suivit la rivière pour aller à Foix et bientôt elle passa près du moulin.

Un chef, à coup sur, car il portait sur la tête son heaume de chevalier, s’avança  vers la porte et tapa. Personne ne répondit. Alors sur un signe quatre soudards armés de haches vinrent se ranger devant la porte. A peine avaient-ils levé les bras pour enfoncer leur arme dans le bois de la porte qu’une grosse pierre lancée d’en haut brisa les jambes de deux des bandits. Les deux autres reculèrent.

Violet de colère, le chef  prit la hache à l’un des estropiés et en trois coups, pas plus, il fit sauter la porte, ouvrant grand la passage aux soldats. Une vingtaine d’hommes se ruèrent dans le moulin mais une fois franchie le seuil de  la porte on entendit une clameur d’épouvante…  Tous, tant qu’ils étaient, par une trappe ouverte dans le plancher, tombèrent dans les meules.

C’est ainsi que le moulin, depuis quelques jours silencieux se mit à tourner, à moudre, mais au lieu de grains ce sont des hommes qu’il broyait ainsi. Dehors, les soudards crient leur vengeance. D’un seul élan tous assouvirent leurs désirs de pillage, de tuerie, de désir de chair à profaner. Enfin après des heures de tourmente nue et à moitié morte, la jolie meunière fut jetée à son tour dans les meules. L’eau une fois encore devint rouge.

Depuis personne ne voulut faire tourner, le moulin. Les ronces envahirent les lieux. Tout devint désolé et triste On disait dans la contrée que les soirs de clair de lune, un esprit errait sur l’eau sombre, une forme flottait autour du moulin, une meunière trop tôt disparue.