Le château de Pailhès

Depuis que je fais paraître mes articles sur mon blog « La Seigneurie de la Forge du Loup », vous vous êtes peut être posés la question d’où me viens mon savoir.

Je reconnais humblement que j’utilise la recherche internet pour retrouver des informations qui me manquent mais ce sont tous les classeurs des notes remplies au fur et à mesure de mes séjours en Ariège.

Dans le cadre des colonies de vacances que j’ai encadré pendant 12 ans et je transcrivais les éléments que nous racontaient les personnes rencontrées au hasard de nos promenades.

Promenez-vous avec un groupe d’enfants, c’est le meilleur moyen pour entamer une discussion avec les gens dans les villages. Au début, je me souvenais sans problèmes de ce que l’on nous racontait mais assez vite j’ai ressenti le besoin de prendre des notes au retour pour l’année suivante les raconter éventuellement aux autres enfants.

Il y a également mes nombreuses lectures de livres divers, historiques, régionaux, livres anciens, etc. … ils sont une source non négligeables de mes connaissances mais je n’ai jamais emprunté de texte dont je me serai dit l’auteur, non, je retranscrivais ma lecture selon mon style personnel d’écriture.

C’est enfin 15 années passées à vivre dans la région et au début je n’hésitais pas à rencontrer certaines personnes au culot en allant à la rencontre de personnes susceptibles de m’apporter des informations. C’est un peu de cette manière que j’ai connu le château de Pailhès. Ces nouvelles découvertes ou rencontres je les écrivais également (Et oui j’ai vécu à la préhistoire, nous n’avions pas de Smartphone dans la poche et encore moins d’ordinateur).

Comme cette découverte n’a pas été banale je vais vous en faire le récit.

Je connaissais le château de Pailhès pour l’apercevoir assez régulièrement de loin et puis par un petit prospectus touristique où il était écrit quelques mots dont « à l’intérieur se trouve un lit dans lequel, selon la tradition le futur roi Henri IV aurait dormi une nuit. » puis « Ne se visite pas ».

Ayant l’idée d’organiser des voyages touristiques en Ariège je me suis dit qu’il serait intéressant de le visiter et éventuellement si le propriétaire est d’accord de rentrer au moins dans la cour du château et si le propriétaire est sympathique il nous laissera voir le lit. C’est d’ailleurs grâce à cette idée que j’ai rencontré mon futur employeur comme guide touristique et ces voyages en Ariège je les ai organisés pendant deux ans avec la participation et la collaboration de l’agence de voyages. Ce qui nous a valu de recevoir le prix de l’innovation touristique de la région Occitanie en 1989.

C’est ainsi que je suis arrivé devant cette grosse porte en chêne qui interdisait l’accès. Comme il y avait un heurtoir, après une petite hésitation, je l’utilise et aussitôt derrière  la porte un chien ou deux se mettent à aboyer véhément. Enfin après un petit moment j’entends une voix forte de stentor qui ordonne aux chien de se taire et on hurle j’arrive ! Un peu plus tard une clef tourne dans le serrure et une porte piétonne aménagée dans le portail s’ouvre et un monsieur d’une bonne quarantaine d’années au visage marqué de rides prononcées apparait enfin. Il me demande ce que je veux et je lui explique le but de ma visite. Pendant que je lui parlais je ne pouvais pas détacher mon regard sur ses avant-bras couverts de sang. Au bout d’un moment il comprend que je regarde avec insistance ses bras et d’un ton enjoué il me fait « Oh ! Ca ne vous inquiétez pas c’est le coq que je viens de tuer, j’en avais marre de l’entendre chanter tous les matins et ce soir il fera mon diner ».

L’ambiance se détend et je peux plus sereinement continuer mes explications. Il m’explique que la propriétaire était décédée depuis quelques temps déjà et l’héritage n’était pas encore terminé. Le château avait été vidé de tout son mobilier et tableaux et les héritiers se partageraient ensuite l’argent après le passage en  salle des ventes dont une grosse partie pour l’état en impôts sur les héritages.

Finalement il veut bien me laisser entrer et voir la seule chose qui n’était pas vendu, car classé Monument Historique, le fameux lit Henri IV.

Avant de continuer la visite à l’intérieur du château, parlons tout d’abord de son histoire.

Le château est campé au-dessus du village de Pailhès c’était un poste de surveillance et de commandement, depuis le 13^ème siècle, pour les seigneurs  qui étaient des vassaux des comtes de Foix.

Pour se rendre au château, on emprunte une petite route qui part du village de Pailhès et qui serpente, au milieu d’arbres qui ont poussés là au cours des siècles,  jusqu’au château planté sur sa butte.

En contrebas du château il subsiste les restes d’un bâtiment qui a put servir d’orangerie et plus loin les vestiges d’une chapelle dont il reste surtout le fronton qui est un clocher mur.

On pénètre dans le château par cette grande porte dont je vous est parlé et elle est surmontée d’un assommoirs, qui permettait de lancer de grosses pierres depuis le château sur ceux qui essaieraient de briser le portail (l’huile bouillante c’est une légende). On arrive dans la petite cour, de forme triangulaire dans ma mémoire, pour entrer ensuite dans le logis d’habitation par une tourelle dans laquelle se trouve un escalier à vis en bois. Ce n’est pas un petit escalier il est au moins deux à trois fois plus large et les marches sont à pas d’ane c’est-à-dire que leur hauteur est moitié plus petite qu’une marche classique pour permettre à un animal âne, mule, cheval de monter cet escalier car le propriétaire des lieux à l’époque voulait arrive à cheval jusqu’à l’étage. On arrive dans une grande pièce qui devait servir de salon ou de lieu de réception. Les murs étaient tapissés d’un papier peint de couleur verte et sur ce papier on voyait l’emplacement des divers tableaux qui se trouvaient là.

Alors mon guide me décrit, les larmes au bord des yeux,  chaque tableau qui se trouvait là car il était déjà le gardien du temps de la défunte. Il ne restait en tout et pour tout qu’un meuble en chêne, ancien vaisselier, indémontable. Enfin nous pénétrons dans l’ancienne chambre où se trouvait le lit Henri IV. En effet le lit se trouve bien dans une grande pièce, un magnifique lit à baldaquins orné d’un tissu qui a été brodé de fil rouge et or, il est vraiment impressionnant.

Pourquoi un lit dans lequel aurait séjourné le futur Henri IV dans le château de Pailhès, voici l’explication : Avant d’être Henri IV, Henri était déjà roi de Navarre sous le nom d’Henri III et comte de Foix. Bien qu’il vivait principalement à Pau et dans divers châteaux de  son royaume de Navarre, il n’a jamais vécu dans son comté de Foix. Par contre il a fait divers séjours au cours des années 1572 à 1587.  Un de ses fidèles sujets était le seigneur de Pailhès de l’époque et dans son château il a fait aménager une chambre pour son roi Henri III de Navarre. Comme c’était courant dans tous les châteaux de l’époque pour son suzerain.

J’ai personnellement vu ce lit ainsi que quelques clients privilégiés dans le château de Pailhès mais aujourd’hui après une importante restauration (financée je crois en grande partie par le département et le ministère de la Culture) il se trouve au Musée du château de Foix dans une pièce aménagée pour une meilleure conservation de ce tissus vieux de près de 500 ans.

La photo de ce lit est présentée ici dans cette pièce aménagée au château de Foix.

Je crois pour conclure que le château abandonné à son triste sort pendant de longues années après ma visite les lieux se sont dégradés encore plus et qu’une association locale s’est crée pour sauver ce patrimoine ariègeois.