La Dame Blanche de Puivert

Le travail avance à bonne allure et bientôt vous en verrez le résultat. Mais, avant toutes choses, j’ai un crucial manque de place. En effet, j’ai consacré une des pièces de mon petit appartement au travail sur la maquette mais elle diminue de taille au fur et à mesure et je commence à me « marcher sur les pieds ».

Pour cette raison, je vais agencer différemment les espaces et installer mon atelier dans la plus grande pièce de mon appartement.

Cela va me demander de marquer une pause dans la rédaction des articles concernant directement la maquette afin de me consacrer à cette tâche tout en travaillant sur de nouveaux ateliers.

Rassurez vous je continue à faire paraitre chaque week-end un article mais sur des sujets un peu plus généralistes.

 « Gentil troubadour ; raconte-nous une belle histoire ».

Il est temps pour moi, de vous conter l’histoire de la Dame Blanche de Puivert.

A cette époque, le château de Puivert, magnifique château implanté sur un plateau dominant un grand lac aux eaux d’un bleu qui reflétait les couleurs d’un ciel d’azur, était fréquenté par tous les seigneurs des environs, ravis d’y trouver les jours de fête, bonne chaire, boissons variées, et des divertissements aussi plaisants et surprenants les uns que les autres. Nous sommes à l’époque des troubadours, celle des cours d’amours, du beau parler, du geste espéré.

Le château comptait de nombreux invités dont une princesse aragonaise de grande beauté. Mais derrière son sourire, on pouvait y lire une grande mélancolie. Son hôte cherchait par tous les moyens à la divertir mais seule les quelques heures passées à contempler le lac et les montagnes environnantes attirait la Dame. Elle prenait un immense plaisir à admirer les beautés du paysage.

Ce qu’elle aimait, c’était se promener au bord du lac, dans ce décor emplit de chants d’oiseaux, de branches s’écartant devant soi, de feuilles tombées à l’hiver précédent bruissant doucement sous le pas, admirer les hauts sommets qui déchirent l’horizon de leurs cimes acérées.

Elle aimait s’assoir au bord du lac pour avancer dans son ouvrage de broderie, tout en s’arrêtant de temps à autre, pour laisser son esprit vagabonder en suivant des yeux les nuages blancs qui avançaient lentement au gré du vent.

Par chance, il se trouvait là, au près de l’onde fraiche, un rocher en forme se siège et agréablement installée sur des coussins ouvragés, elle s’enfonçait plus avant dans sa rêverie nostalgique.

Parfois, les jours de mauvais temps, quand le vent faisait ourler des vaguelettes et que l’écho répétait longuement l’orage grondant au loin, l’eau mouillait ses mules blanches et le bas de sa robe précieuse. Alors elle devait se résoudre à patienter au château pour que s’apaisent les eaux du lac et que sèche l’herbe entourant le rocher.

Un des pages de cette belle princesse se désolait de la sentir si triste et pour calmer sa mélancolie il voulait déplacer cet énorme rocher pour que ses pieds restent au sec. Le rocher était si profondément ancré dans le sol que la tâche était impossible, mille paires de bras n’auraient suffit à abattre la besogne. Mais si le rocher ne pouvait bouger, déplacer les eaux du lac était la solution.

Il se rendit, avec quelques compagnons à l’extrémité du lac où s’était formé naturellement un barrage fait de roches, de broussailles et de terre. Quelques coups de pioche suffirent à creuser une rigole, faisant ainsi baisser le niveau de l’eau du lac. La dame, charmée par l’ouvrage achevé, se rendait de plus en plus souvent sur le trône de pierre, accompagnée de son page qui lui lisait des vers ou chantait des ballades chevaleresques.

Hélas, l’hiver approchant, les flâneries au bord de l’eau se firent de plus en plus espacées, le mauvais temps en était le responsable.

Un jour, alors que l’orage déversait des torrents de pluie au travers de la petite brèche ouverte par le page. Les eaux se ruaient en grondant à l’assaut de l’ouverture qui s’élargissait dangereusement jusqu’au moment où la digue céda.

Les eaux rugissantes déferlèrent dans la plaine en contrebas, emportant maisons et villages en semant la désolation. La princesse aragonaise, regardait horrifiée le drame qui se déroulait sous yeux et en pleurs elle se jeta dans les eaux déchainées. Son corps ne fut jamais retrouvé et les soirs d’orage, on peut entendre les plaintes de la belle dame accompagnées d’étranges chants. Ceux de son page qui jamais ne l’abandonna.

Depuis ce jour, le château de Puivert domine la plaine et plus aucun lac ne reflète les murs et le donjon, témoins du drame qui s’est joué ici il y a des années.

Si cette légende s’est racontée dans les foyers de génération en génération, cet évènement tragique s’est réellement  déroulé le 16 juin 1279. Ce fut une inondation exceptionnelle, d’une rare violence, de la rivière de l’Hers, gonflée par de fortes pluies qui causèrent la rupture d’une digue naturelle qui formait à l’époque le lac de Puivert, situé en Amont.

Ce fut un énorme torrent formé d’eau de boue, d’arbres déchirés, de roches, qui déferlèrent dans toute la vallée dévastant la petite cité de Chalabre ainsi que la ville de Mirepoix, construite sur la rive droite de l’Hers, au pied du château de Terride , et qui comptait prés de 2000 habitants alors qu’industrie et commerces étaient florissants. Le château seul fut épargné alors que la ville fut entièrement détruite connaissant le même sort funèbre que tous les villages qui se trouvaient sur le trajet dévastateur de l’inondation.

Les légendes de Dames Blanches sont nombreuses dans toutes les régions mais il en est d’une en particulier dont je voudrais vous parler

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C’est d’une « Dame Blanche » que l’on peut apercevoir lorsque l’on se trouve de nuit dans le château de Puilaurens.

Cette mésaventure est arrivée à l’une de mes connaissances alors que je vivais dans les Pyrénées. Cette demoiselle ne savait pas que je m’intéressais aux traditions locales mais un jour, alors que l’on bavardait de tout et de rien, je dis, que mes ruines préférées étaient celle du château de Puylaurens. C’est alors que cette personne (qui avait une trentaine d’années à l’époque) me dit qu’étant adolescente, avec une bande de copains elle devait passer une nuit à la belle étoile dans la cour de ce château. La nuit était déjà fort avancée quand tous voient une forme blanche flotter sur l’ancien chemin de ronde. Le groupe savait qu’il n’y avait personne d’autre qu’eux et, après un moment de stupeur, sans se poser d’autres questions, ils sont tous redescendus à leurs voitures et finalement il ont dormi chacun dans leur lit.

Le château de Puilaurens, se trouve dans le pays du Fenouillèdes (département de l’Aude) à la frontière de l’ancien Pays aragonais espagnole à proximité de la mer Méditerranée. C’est le roi Saint-Louis qui a pris ce château en 1255 et qui fit renforcer ses défenses pour faire barrage aux incursions aragonaises fréquentes à l’époque.

C’est récemment que j’ai découvert cette légende, en travaillant sur le projet de ma maquette. Cette légende évoque le souvenir de Blanche de Bourbon, nièce duroi de France Philippe VI de Valois. Ce roi est connu dans notre histoire pour ses démêlés avec les Plantagenets ce qui fut à l’origine de la « Guerre de Cent Ans ». Elle fut donnée comme épouse à Pierre 1er de Castille plus connu sous le nom de Pierre le Cruel. Elle fit étape à Puilaurens en 1353 alors qu’elle faisait route pour ses épousailles avec le roi de Castille.

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 Mais ce roi qui  n’était pas follement amoureux de son épouse Blanche, ne tarda pas à la délaisser et même de faire annuler son mariage sous le prétexte fallacieux de ne pas avoir reçu la dot promise.

Ces mauvais traitements à une nièce du roi de France amenèrent même Pierre le Cruel à faire alliance avec le Prince Noir d’Angleterre contre le royaume de France.

Cette alliance fut un mauvais choix politique car c’est ce qui mena à apporter notre concours à Henri de Trastamare, en lui envoyant Bertrand Du Guesclin à la tête des Grandes Compagnies pour destituer finalement Pierre 1er de Castille en 1366.

Malheureusement Blanche de Bourbon fut assassinée 5 ans plus tôt en 1361, à l’âge, de seulement 22 ans, sur l'ordre de son mari par deux hommes de main. Pour l'occire en faisant croire à un accident, ils font tomber une poutre sur elle, tandis que d'autres étranglent les servantes pour les faire taire. Ils furent capturés plus tard et ils s'accusèrent mutuellement du crime. Ils seront donc condamnés à un duel à mort l'un avec l'autre.

Pendant ce duel judiciaire, un orage éclata et ils furent foudroyés.

Cette mort venue du ciel à fait pensé naturellement à un miracle et d’ailleurs, plusieurs autres miracles, notamment des guérisons inexpliquées furent également attribués à la Reine Blanche.

C’est donc son fantôme qui hante le site de Puilaurens et qui vient certaines nuits, promener ses vaporeux voiles sur le chemin de ronde des remparts, en ce lieu où elle connut encore le plaisir de se trouver sur les terres de la France qu’elle dut abandonner pour son funeste destin.